Artificial Intelligence to Detect Left Ventricular Dysfunction using an Apple Watch. The Mayo ECG Watch Study par Zachi ATTIA et al
Dans la population mondiale actuelle, on estime à 2% le nombre de personnes atteintes de dysfonction ventriculaire gauche (DVG), 6 millions rien qu’aux États-Unis dont 9% de personnes de plus de 60 ans. Certes, on dispose de traitements efficaces, mais le problème majeur demeure encore de diagnostiquer une DVG le plus tôt possible, et cela malgré des outils performants (ECG, échographie, IRM), autant de moyens chers et pas toujours accessibles.
C’est pourquoi le laboratoire dirigé par Z. ATTIA a mis au point il y a quelques années une intelligence artificielle capable de détecter une FEVG basse à partir d’un ECG 12 dérivations. Plusieurs centaines de milliers de tracés ont été analysés de la sorte, ce qui a permis de montrer que certains aspects de l’ECG permettent de détecter des FEVG basses, confirmées par échocardiographie.
Dans un second temps, l’équipe a validé le concept auprès de médecins exerçant aux États-Unis par une étude randomisée qui a permis d’augmenter de 37% la détection de la DVG.
Les validations précédentes, pour encourageantes qu’elles soient, nécessitent des moyens qui limitent beaucoup l’analyse systématique et répétée de l’ECG chez de nombreux patients, qui plus est éloignés du laboratoire. C’est pourquoi l’équipe a imaginé d’utiliser les propres outils de la population « tout venant », en l’occurrence d’adapter le concept d’analyse à une Apple watch permettant d’élargir considérablement les possibilités d’analyse de l’ECG dans une population même très éloignée de tout centre de cardiologie.
Pour répondre à cet objectif, les chercheurs se sont assignés deux buts : le premier est de développer une logistique permettant de recruter à distance des patients, de les fidéliser pour des analyses répétées de leur ECG, de transmettre les données recueillies en toute sécurité puis en présenter les résultats aux praticiens ; le second est d’adapter l’intelligence artificielle conçue pour une analyse d’ECG 12 dérivations à une analyse d’ECG une piste en conservant bien sûr la fiabilité de la première.
MÉTHODE
La structure mise en place recrute les « patients » par courrier ou téléphone et leur pose deux questions : sont-ils équipés d’une Apple watch (ce qui paraît évident pour l’étude, mais 9 à 18% de la population serait ainsi « recrutable ») ? Acceptent-ils d’entrer dans l’étude ? Après acceptation, un lien est adressé aux patients vers une application et les ECG sont alors réceptionnés et analysés.
L’analyse se fait par l’intelligence artificielle déjà conçue, mais adaptée à une analyse sur des signaux d’ECG une piste, signaux possiblement affectés par la position de chaque patient, son état cutané, etc… L’importance du filtrage des signaux devient alors évidente et les chercheurs ont réussi à obtenir une fiabilité d’analyse quasi identique à celle de l’analyse d’ECG 12 dérivations.
L’échographie étant le gold standard dans cette étude de faisabilité, les patients doivent avoir un enregistrement échographique dans les 30 jours avant d’acquérir le lien vers l’application. Ils doivent en outre être en rythme sinusal.
RÉSULTATS
3884 patients ont consenti à entrer dans l’étude. 2463 ont adressé au moins 1 « ECG watch », ce qui représente un total de 125 610 ECG reçus et analysés. La population, recrutée dans 46 états américains et 11 pays hors U.S. est majoritairement féminine à 56%, avec un âge moyen de 53 ans.
421 patients ont déjà eu une échographie dans les 30 jours précédant le recrutement. Chaque personne a au moins adressé 10 ECG, ce qui permet de « lisser » toute imperfection liée au recueil des signaux par des nonprofessionnels.
La sensibilité et la spécificité de la méthode sont excellentes : 81%.
L’étude se poursuit encore.
CONCLUSIONS
- Le concept d’analyse sur une piste ECG à partir d’une APPLE Watch est certainement validé.
- Les conséquences de l’application de la technique sont très importantes en termes de détection de DVG chez des personnes hypertendues, diabétiques, âgées ou sous chimiothérapie.
- Il s’agit donc d’un concept très innovant, aux applications potentiellement considérables. Les premiers résultats sont encourageants, mais les études n’en sont qu’à leur début et, dans l’immédiate, le concept est encore loin d’être diffusé à grand échelle.
Michel Chauvin, Strasbourg