Newsletter Groupe Rythmologie – Stimulation cardiaque de la SFC
Chers collègues,
Vous trouverez dans cette newsletter une courte enquête EHRA sur les ESV idiopathique et une enquête CNCH sur la pratique en télécardiologie.
L’Edition 2021 du congrès de rythmologie de la Heart Rythm Society a eu lieu en plein milieu de l’été (29 et 30/7). Nous avons sélectionné quelques études que vous pourriez avoir manquées. Les journées de rythmologie de la SFC se tiendront à Paris du 6 au 8 octobre. Il s’agit du grand rendez-vous de notre société savante. Vous pouvez encore vous inscrire en cliquant sur le lien http://www.congres-rythmo.com/inscription
Bonne lecture !
Laurent Fauchier et Jérôme Taieb
ENQUÊTES
- Enquête EHRA
Vous trouverez ci-dessous un lien pour répondre à une enquête rapide (environ 5 minutes) d’EHRA sur « La prise en charge des extrasystoles ventriculaires idiopathiques en pratique clinique ». Merci par avance pour vos réponses qui aideront à mieux comprendre l’état des lieux et adapter ainsi au mieux la communication sur ce sujet : https://www.surveymonkey.com/r/contemporary_clinical_management
- Enquête CNCH de pratique en télécardiologie (5 mn)
https://fr.surveymonkey.com/r/TGP8WDG
CONGRÈS HRS
- L’innovation dans la fibrillation atriale à HRS 2021
Jacques Mansourati Brest
Trois études présentées à HRS 2021 apportent une innovation dans la prise en charge de la fibrillation atriale (FA) : il s’agit de la stimulation médullaire temporaire dans la prévention de la FA post-opératoire (TerminationAF), l’utilisation de température ultra-basse dans la cryoablation de la FA (Cryocure-2) et l’ablation des plexus ganglionnaires (GangliaAF trial).
TerminationAF : The TEmporary Spinal CoRd StiMulatIon to PrevenNt Atrial FibrillaTION AFter Cardiac Surgery (TerminationAF) study présentée par Alexander B. Romanov (Novosibirsk, Russie).
Cette étude avait pour objectif d’évaluer l’effet d’une stimulation médullaire temporaire entre les niveaux C7 et T4 dans la prévention de la FA post-opératoire de pontage coronaire. La population d’étude était composée de 2 groupes : un groupe contrôle comportant 26 patients traités médicalement par bêtabloqueurs et un groupe de 26 patients implantés d’une sonde de stimulation médullaire provisoire par voie percutanée sous fluoroscopie et sous anesthésie locale. L’implantation se fait dans l’espace épidural postérieur et la sonde est reliée à un stimulateur externe fixé au thorax. La stimulation médullaire a débuté 3 jours avant le pontage coronaire et réactivée en post-opératoire immédiat jusqu’au 7ème jour post-opératoire. Un moniteur ECG externe a été utilisé jusqu’au 30ème jour post-opératoire chez tous les patients. Les objectifs primaires de l’étude étaient 1) la survenue d’événement indésirables comprenant décès, AVC, AIT, IDM ou atteinte rénale et 2) la survenue d’une FA ou autre trouble du rythme atrial d’une durée > 30 secondes.
L’implantation de la sonde de stimulation a été possible chez les 26 patients sans complication. Aucun événement indésirable lié à la sonde de stimulation n’est survenu au cours du suivi. Aucune différence significative dans les taux de CPK-MB et de créatininémie n’a été rapportée. Le taux de complications de l’intervention chirurgicale elle-même (pontage) était le même dans les 2 groupes.
Une FA post-opératoire est survenue chez 8 patients (30,7%) du groupe contrôle et un seul patient (3,8%) du groupe stimulé (p=0,012). Le risque est ainsi réduit de 89% dans les 30 premiers jours post-opératoires.
Cette technique, bien qu’elle soit invasive, donne des résultats impressionnants sans effet indésirable. L’effet de la stimulation passerait par une modulation du système nerveux autonome, de la croissance neuronale et de l’expression du canal potassique de type-2 activé par le calcium. Il faut toutefois noter que tous les patients inclus avaient des antécédents de FA paroxystique et que la charge de FA post-opératoire dans la population d’étude était relativement basse <1% (0,2% dans le groupe contrôle vs 0,006% dans le groupe stimulé ; P = 0,009). D’autres études avec une population moins ciblée sont donc nécessaires sans oublier le caractère invasif de la technique.
Il s’agit d’une étude multicentrique évaluant un cathéter de cryoablation à ultra-basse température (ULTC) (voir figure) chez des patients ayant une FA dont le premier accès date en moyenne de plus de 3 ans. La source d’énergie est le nitrogène liquide permettant d’atteindre une très basse température (-196° C). Cette technique permet des lésions linéaires et a déjà été utilisées dans l’ablation du flutter commun.
Le succès de l’ablation était défini par l’isolation de la veine pulmonaire et la confirmation d’un bloc de conduction bidirectionnel de part et d’autre de la lésion créée.
La population d’étude a comporté 79 patients dont 45 avaient une FA persistante. Ainsi 252 sur 260 veines ont été isolées avec succès (97%) de même que 32 lésions au niveau de la paroi postérieure de l’oreillette gauche et 12 sur 13 lésions au niveau de l’oreillette droite (92%).
Trois paralysies phréniques transitoires sont survenues. A un an, 85% des patients ayant une FA persistante et 76% des patients ayant une FA paroxystique n’avaient pas présenté de récidive. Cette technique semble donc faire ses preuves dans le traitement de la FA mais nécessitera une étude à plus grande échelle et à plus long terme.
1.Ganglia-AF: Ectopy Triggering Ganglionated Plexus Ablation to Prevent Atrial Fibrillation présentée par Maria MinYoung Kim (Londres, GB).
L’objectif de cette étude était de comprendre l’effet du système nerveux autonome sur la FA en raison de l’intrication entre les plexus ganglionnaires (PG) présents autour des veines pulmonaires (VP) et la survenue d’extrasystolie et de fibrillation atriales.
Il s’agit d’une étude multicentrique (3 centres britanniques) qui a inclus 116 patients ayant une FA paroxystique et randomisés en deux groupes : un groupe subissant une isolation des VP seule et un second subissant une ablation des PG sans isolation des VP. Une topostimulation autour de l’oreillette gauche en appliquant des stimulations à haute fréquence (intervalle de stimulation < période réfractaire atriale) de courte durée a permis de cartographier les sites de localisation des PG et de vérifier les réponses spécifiques à cette stimulation (ESA ou non, avec induction d’une FA éventuelle). L’ablation de ces sites était réalisée jusqu’à la disparition de ces réponses fonctionnelles (ESA ou FA). Dans les cas où la FA persistait pendant la procédure, la cible d’ablation devenait les PG dont la stimulation entrainait une dissociation auriculo-ventriculaire. Un holter a été réalisé à 3, 6, 9 et 12 mois. L’objectif primaire était la survenue de tachycardie ou fibrillation atriales d’au moins 30 secondes. Les objectifs secondaires étaient la survenue de complications significatives ou la nécessité d’une nouvelle procédure.
La population d’étude a comporté 52 patients randomisés dans le groupe ablation des PG et 50 dans le groupe isolation des VP. Après 12 mois de suivi, 64% des patients du groupe isolation des VP n’avaient pas présenté de récidive de FA contre 50% dans le groupe ablation des PG (différence non significative). Dans le sous-groupe d’ablation des PG sans survenue de FA incessante pendant la procédure, le taux de succès à 12 mois était de 58%. Bien que le nombre de tirs réalisés dans le groupe ablation des PG ait été plus faible, la durée de la procédure était en moyenne plus longue d’une heure dans ce groupe principalement en raison de la topostimulation à la recherche des PG.
Dans les complications, une tamponnade nécessitant un drainage péricardique est survenue pendant la procédure dans le groupe ablation des PG.
Le même taux de récidive à 12 mois était retrouvé dans les 2 groupes.
Ce résultat n’incite pas à réaliser l’ablation des PG isolément car souvent ces zones sont localisées autour des VP et sont traitées en même temps que les VP mais certains PG sont variables dans leur localisation anatomique d’un patient à un autre. Ces sites de PG dont la stimulation entraine des ESA ou des FA pourraient donc être une nouvelle cible de l’ablation de la FA en plus de l’isolation des VP.
- Stroke VT
Nicolas Lellouche CRETEIL
Objectif de l’étude : Comparer l’efficacité d’un traitement par anticoagulant oral direct (AOD) versus Aspirine en postopératoire (débuté 3 heures après la fin de la procédure) d’une ablation de tachycardie ventriculaire avec abord gauche (transseptale ou rétrograde aortique).
Étude multicentrique, randomisée en 1 :1, prospective, contrôlée
- Critères d’inclusion : patients ayant une indication d’ablation de TV endocardique± épicardique
- Critères de jugement primaire : Incidence du taux d’AVC/AIT clinique et infra-clinique avec réalisation d’IRM cérébrale systématique. Critère évalué à 24 heures et 30 jours après la procédure.
- Critères de jugement secondaire : Complications liées à la procédure (vasculaire, épanchement péricardique, BAV, accidents thromboemboliques autres que cérébral).
246 patients inclus dans l’étude
Résultats :
Les patients traités par AOD (11% dabigatran, 33% rivaroxaban, 56% apixaban) ont moins de risque, de manière significative d’AVC/AIT clinique et asymptomatique à 24 heures et 30 jours en post-opératoire, comparé aux patients traités par aspirine.
Le taux de complications était identique dans les 2 groupes.
Conclusion : Un traitement par AOD débuté en post-opératoire (3 heures après la fin de procédure) réduit le risque de complications thromboemboliques cérébrales symptomatiques et asymptomatiques par rapport à l’aspirine chez les patients ayant une ablation de TV avec abord gauche, sans augmenter le risque de complication post-opératoire.
https://www.jacc.org/doi/10.1016/j.jacep.2021.07.010
- “Late-Breaking Clinical Trials 1: A Randomized Trial Of Early First-Line Catheter Ablation For Ventricular Tachycardia: Results From The Pan-Asia United States Prevention Of Sudden Cardiac Death Trial (PAUSESCD)” BOSTON, MA, 29 Juillet 2021
Gabriel Laurent Dijon
Introduction :
PAUSE-SCD est la première étude randomisée qui explore l’intérêt de l’ablation en première intention chez des patients asiatiques présentant une indication de défibrillateur (tachycardie ventriculaire monomorphe sur cardiomyopathie non ischémique).
Il s’agit d’une étude multi centrique menée en Asie (Chine, Japon, Corée, Taiwan) avec la collaboration de l’université de Chicago. Au total 121 patients ont été inclus.
Descriptif de l’étude :
Étude randomisée (Tous les patients sont implantés d’un DAI) composée de 2 bras (1:1): Ablation de TV dans les 90 jours de l’implantation du DAI vs traitement médical.
Registre prospectif : petit groupe de patients refusant le DAI et qui ont seulement été ablatés de TV. Le critère primaire composite associait : récidive de TV, hospitalisation pour un motif cardiovasculaire, et le décès. L’étude a été conduite sur 6 ans avec une médiane de suivi de 31 mois.
Principaux résultats :
Le critère primaire composite est survenue chez 45% des patients du groupe ablation et chez 59% des patients du groupe traitement médical (HR 0.58, 95% CI, 0.35-0.96 ; P=0.036). On peut donc dire que l’ablation dans les 90 jours qui entourent une implantation de DAI dans cette population réduit le risque relatif de récidive de TV ; d’hospitalisation pour un motif cardiovasculaire ; et de décès, de 42%. En pratique l’ablation (endo et/ou épicardique) a été réalisée avant l’implantation (médiane de 2 jours ; IQR 5 jours avant -14 jours après). Il y a eu 8% de complications liées à l’ablation elle-même.
Le registre des patients ablatés sans DAI a montré une réduction significative des récidives de TV par rapport au groupe de patients randomisés dans le bras traitement médical et DAI sans aucune différence significative de mortalité.
Conclusions :
Cette étude clinique multicentrique internationale montre que l’ablation de TV en première intention associée au DAI chez des patients avec cardiomyopathies non ischémiques réduit le risque de récidive de TV, d’hospitalisation et de décès comparé au traitement médical.
Commentaires des auteurs :
Il s’agit de la première fois que l’on étudie cette population particulière (les cardiomyopathies non ischémiques ont une incidence relative plus élevée que les cardiopathies ischémiques dans les pays d’Asie) Jusqu’à présent, l’ablation reste considérée comme une solution palliative de dernier recourt. Les résultats de cette étude devraient permettre d’envisager des changements dans les recommandations en plaçant l’ablation plus en amont dans l’arsenal thérapeutique des patients implantés d’un DAI et porteurs de cardiopathies non ischémiques. Cette étude pose également la question de la sécurité de l’ablation seule dans cette population sans la protection d’un DAI. En effet, si cette option thérapeutique était validée de manière randomisée, elle permettrait de répondre à un besoin important de prise en charge dans des pays qui n’ont pas toujours les moyens d’implanter des DAI à tous les patients présentant les caractéristiques de cette étude. Il y a donc nécessité d’envisager de nouvelles études randomisées comparant l’ablation au DAI.
- Left bundle branch–optimized cardiac resynchronization therapy (LOT-CRT): Results from an international LBBAP collaborative study group
Jerome Taieb Aix en Provence
Introduction :
La resynchronisation cardiaque conventionnelle Cardiac n’est parfois pas efficace cliniquement et sur la largeur du QRS.
Objectif :
Évaluer la faisabilité et efficacité d’une stimulation de la région de la branche gauche (LBBAP) à la place de la stimulation VD en association avec la stimulation du sinus coronaire. (LOT-CRT)
Méthode :
Implantation non consécutive de LOT-CRT chez des patients ayant une indication de CRT. L’ajout d’une sonde sinus coronaire était laissée à la discrétion de l’opérateur.
Résultats :
LOT-CRT implantés avec succès chez 91/112 patients (81%). Age moyen ± 11 years, 80% Homme, FEVG 28.7% ± 9.8%, TDVG 62 ± 9 mm, NTProBNP 5821 ± 8193 pg/mL, BBG 47 (42%), QRS élargi non spécifique 25 (22%), stimulation VD 26 (23%), et BB droit 14 (12%). Durée RF 27.3 ± 22 minutes, Seuil de la stimulation région de la branche gauche 0.8 ± 0.5 V, QRS 10 mV. LOT-CRT a diminué la largeur QRS 182 ± 25 ms à144 ± 22 ms (P < .0001) vs BiV-CRT (170 ± 30 ms; P < .0001) et LBBAP (162 ± 23 ms; P < .0001). A 3 mois, amélioration de la FEVG 37% ± 12%, diminution du TDVG à 59 ± 9 mm, diminution du NTproBNP à 2514 ± 3537 pg/mL, les paramètres de stimulation étaient stables, 79% des patients présentaient une amélioration de la NYHA (1.9 à 2.9).
Conclusion :
LOT-CRT est faisable et permet une meilleure resynchronisation que le CRT conventionnelle et pourrait être une alternative en cas de réponse insuffisante. Cette nouvelle approche devra être évaluée par des études randomisées