Newsletter Groupe Rythmologie – Stimulation cardiaque de la SFC
Chers collègues,
Dans la newsletter de ce mois-ci, vous retrouverez nos rubriques concernant les actualités des congrès, un résumé de la bibliographie concernant STIM-TAVI, ainsi qu’une mise au point sur « l’ablation des tachycardies ventriculaires », le cas clinique du mois et enfin un peu d’histoire.
Bonne lecture
Laurent Fauchier et Jérôme Taieb
ACTUALITE CONGRÈS FORMATIONS
- European Heart Rhythm Association (EHRA)
Christophe Leclercq, Président EHRA, Rennes
Le congrès virtuel EHRA 2021 “Making connections to overcome arrhythmia” approche…. Pensez à noter sur vos agendas les dates du 23 au 25 avril 2021… Venez y découvrir en avant-première les recommandations 2021 de l’ESC sur la stimulation physiologique (resynchronisation cardiaque et stimulation hissienne) lors d’une session on line le vendredi 23 avril. De très nombreuses sessions sur les devices, l’ablation de la FA et des troubles du rythme ventriculaire avec les leaders mondiaux en ces domaines vont permettront d’y découvrir les dernières avancées. Les sessions live vous permettront de voir des procédures en direct et de poser toutes vos questions aux experts. Ne manquez pas les sessions d’abstracts et de posters toujours très riches et interactives.
Profitez de cet évènement pour échanger avec les électrophysiologistes du monde entier.
Ne manquez pas de vous inscrire à ce premier congrès européen rythmologique de l’année https://www.escardio.org/Congresses-&-Events/EHRA-Congress/Registration
Au plaisir de vous y retrouver très nombreux
- Cours de Perfectionnement en Rythmologie
Antoine Leenhardt, Paris
Le 38eme Cours de Perfectionnement en Rythmologie sera organisé les jeudi 24 juin 2021 et vendredi 25 juin 2021 de 17:00 à 18:30.
En raison de la crise sanitaire, ce cours est sensiblement modifié cette année : il aura lieu exclusivement en distanciel, sous forme de 2 séances interactives et en direct, de discussions de tracés électrocardiographiques de surface et endocavitaires, tracés qui seront fournis quelques jours avant aux inscrits. En raison des nouvelles dispositions réglementaires en vigueur, ce cours s’adresse aux Chefs de Clinique et aux Assistants en exercice, qui se destinent à la Cardiologie et qui sont désireux de développer leurs connaissances en Rythmologie.
Les inscriptions seront ouvertes en temps utile auprès de tous les responsables des services de Cardiologie.
SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE DU MOIS
- STIM-TAVI ou l’évolution des troubles conductifs auriculo-ventriculaires de haut-grade un an après un TAVI
Jacques Mansourati, Brest
Les troubles conductifs auriculo-ventriculaires (AV) compliquant les TAVI sont devenus un problème quotidien dans les centres réalisant cette technique. Deux questions se posent alors, celle de l’indication d’un stimulateur cardiaque définitif et celle du moment de son implantation sans prolonger l’hospitalisation ni prendre de risque inutile chez ces patients souvent fragiles en cas de régression du trouble conductif. Plusieurs études avaient montré en effet que 17 à 31% de ces patients n’étaient plus dépendants du stimulateur cardiaque quelques mois après son implantation.
Dans une étude multicentrique française récemment publiée dans Journal of Cardiovascular Electrophysiology par D. Irles et al, l’évolution des troubles conductifs AV après TAVI a été évaluée de façon prospective dans une population de 197 patients Implantés d’un pacemaker après leur TAVI inclus entre Novembre 2015 et Janvier 2017 et suivis jusqu’à un an. L’évolution des troubles conductifs a pu être analysée grâce à l’algorithme privilégiant la conduction AV spontanée de leurs pacemakers double chambre.
Les patients ont été implantés majoritairement suite à des BAV de haut grade précoce dans les 6 jours après le TAVI (BAV complet et BAV II Mobitz II). Parmi les 197 patients inclus, 138 (70%) avaient un BAV de haut grade persistant à un an.
Les facteurs prédictifs significatifs de la persistance du trouble conductif de haut grade à un an sont : le surdimensionnement. Parmi les 197 patients inclus, 138 (70%) Avaient récidivé au moins un BAV de haut grade audelà de J7 après le TAVI
Les facteurs prédictifs en univarié de la persistance du trouble conductif de haut grade à un an sont : le surdimensionnement du diamètre de la prothèse, la survenue d’un bloc de haut grade soit pendant la procédure soit précocement après la procédure de TAVI (premiers 6 jours post procédure). En multivarié, seuls les BAV précoces survenant après la procédure sont prédictifs de BAV tardifs.
Les facteurs prédictifs traditionnellement admis comme les calcifications valvulaires importantes, la pré-existence d’un bloc de branche droit, l’insertion basse de la prothèse aortique, l’implantation d’une prothèse auto- expansive, la survenue d’un BAV I ou d’un bloc de branche gauche ou sa majoration n’étaient pas corrélés, dans cette étude, à la présence d’une récidive de BAV de haut grade à un an.
Ces résultats remettent donc en question les critères utilisés traditionnellement pour implanter un stimulateur cardiaque en post-TAVI et méritent confirmation par d’autres études.
- Mise au point : L’ablation des tachycardies ventriculaires
Frédéric Sacher, Pessac
L’ablation des tachycardies ventriculaires reste grevée d’un taux de récidive non négligeable. Un des problèmes est d’atteindre et traiter efficacement la zone du myocarde responsable de l’arythmie. Dans ce contexte se développe depuis quelques années, l’utilisation de radiothérapie stéréotaxique pour traiter ces zones. Il y a encore peu de recul sur le devenir des patients traités par cette méthode qui utilise des rayonnements ionisants. Elle peut être vue de prime abord comme quelque chose de plus simple qu’une procédure d’ablation classique mais l’identification de la cible et sa transcription dans le système de radiothérapie est un point crucial pour son efficacité. Cela nécessite une collaboration étroite entre le rythmologue et l’équipe de radiothérapie et le développement d’outils dédié pour améliorer sa fiabilité. Par ailleurs, il y a encore peu de données à moyen terme sur la sécurité de cette stratégie.
Nous avons donc publié une mise au point (Focus on stereotactic radiotherapy: A new way to treat severe ventricular arrhythmias?) et insistons sur le besoin d’un registre national pour suivre ces patients.
CAS CLINIQUE DU MOIS
Gabriel Laurent, Dijon
- Présentation clinique
- Mme G, 62 ans
- ATCD : DT2, CPI à FEVG préservée avec double PAC, FA paroxystique
- Hospitalisée en janvier 2021 pour décompensation cardiaque faisant découvrir un flutter 2/1
- Majoration du traitement par bisoprolol dans l’attente de l’ablation de son arythmie 2.
- Tracés initiaux
- ECG de surface (figure 1) : Tachycardie supraventriculaire à 120 bpm avec onde F à une fréquence de 240/min conduite en 2/1. Ces ondes sont négatives en inférieur et positives en V1 évoquant un flutter typique antihoraire. BBD, ondes T aplaties de façon diffuse
- Tracé endo-cavitaire (figure 2) : cycle de tachycardie à 250 ms avec une activation proximal/distale du sinus coronaire
Confirmation de l’origine isthmique
- Mesure du cycle de retour de la tachycardie après une stimulation à 230 ms (figure 3)
- Au niveau du sinus coronaire distal (366 ms) et de l’isthme cavo-tricuspide (268ms)
- Meilleur retour au niveau de l’isthme confirmant un flutter isthmique (268 – 230 = 38ms)
Ablation
- Réalisation d’une ligne de double potentiels entre la valve tricuspide et la veine cave inférieur par 10 applications de 60s de radiofréquence à une puissance de 50 W (figure 4)
- Arrêt de l’arythmie et retour en rythme sinusal lors de la 10ème brulure (figure 5)
Confirmation du bloc bidirectionnel
- Stimulation différentielle entre la partie haute (point A: figure 6) et basse (point B: figure 7) de la paroi de l’oreillette droite au niveau de l’anneau tricuspide (AD-BD)
- Le délai AD (176 ms) est supérieur au délais BD (146 ms)
- Il s’agit donc d’une dépolarisation de bas en haut, ne passant plus par l’isthme
Conclusion
- Flutter commun confirmé par PPI, ablation de l’ICT par radiofréquence, retour en rythme sinusal et confirmation d’un bloc bidirectionnel par pacing différentiel
HISTOIRE ET TÉMOIGNAGE
Michel Chauvin, Institut de Cardiologie de Strasbourg
Vous êtes certainement nombreux à vous demander quel esprit compliqué a pu nommer les déflexions de l’ECG par les lettres PQRSTU alors qu’ABCDEF eût été d’une simplicité que même le vulgum rythmologus peut comprendre. Le responsable ? Willem Einthoven, le père de la solution la plus pratique pour enregistrer ce qui deviendra l’électrocardiogramme.
Alors, pourquoi ? Parce que… Lippmann ! C’est l’inventeur du capillaromètre, capable d’inscrire (vaguement) le tout premier recueil de la dépolarisation cardiaque ; capillaromètre que A.D.Waller perfectionne et qui utilise les lettres A et B pour désigner les deux déflexions du tracé obtenu ; capillaromètre qu’Einthoven modifie à son tour, distingue la déflexion atriale, la désigne par la lettre P pour, finalement, revenir à ABCD ; ce même hollandais enfin qui applique une formule mathématique très compliquée pour enregistrer des tracés certes bien différents des précédents, mais plus détaillés et fiables. Vous suivez ? Pour ceux qui n’ont pas encore décroché, ils apprendront qu’Einthoven réalisa qu’ABCD ne pouvaient s’appliquer aux nouveaux enregistrements effectués en particulier avec son propre enregistreur. C’est la raison pour laquelle il utilisa PQRSTU. Ce qui n’apporte finalement pas grand-chose à notre questionnement car…
Pourquoi ? Einthoven n’a pas laissé d’explications à cela. Alors les imaginations vont s’emballer. Je ne m’attarderai pas sur ceux qui ont osé affirmer qu’il ne fallait pas utiliser les mêmes lettres que celles des vitamines, et passerai rapidement sur ceux qui pensent qu’en choisissant des lettres au milieu de l’alphabet, on laisse la place à d’autres futures appellations. Car l’hypothèse qui recueille le plus de suffrages s’appelle… Descartes ! Toutes les publications sur le sujet reconnaissent aujourd’hui qu’Einthoven s’est inspiré des lettres choisies par Descartes en optique. Le philosophe en effet n’est pas seulement l’auteur du « cogito ergo sum », il est aussi un savant reconnu pour ses célèbres travaux sur la réfraction où il détaille ses démonstrations avec les lettres… PQRSTU. Et comme Einthoven est physicien, il en a, suppose-t-on, une bonne connaissance : CQFD !
Alors, l’auteur de ces lignes a voulu vérifier et s’est penché avec courage sur le traité de la dioptrique, ouvrage en dix discours d’une lecture que je ne recommande pas sauf à vouloir s’imposer certaines mortifications. On y découvre que Descartes ne s’en tient pas seulement à l’emploi de PQRSTU mais utilise presque toutes les lettres de l’alphabet ! Serais-je passé à côté de l’essentiel ? J’ai donc consulté certains écrits d’Einthoven, sur l’optique bien sûr, et n’y ai trouvé aucune référence particulière à ces dites lettres…
Qu’en penser ? Admettons prudemment l’hypothèse Descartes parce qu’elle est la favorite des publications, mais laissons au grand Sir Thomas Lewis qui a beaucoup échangé avec son aîné Einthoven, le mot de la fin : « They (les ondes) have been named in a purely empirical fashion P, Q, R, S and T » !
Beaucoup de bruit pour rien ?